jeudi 30 juillet 2009




Claude PÉLIEU-WASHBURN


GONNEVILLE

(Pour André & Nicole Feruch)

TOUT SAVOIR

NE RIEN SAVOIR

S’ENDORMIR

DANS L’ÉCUME

DES FLEURS

L’ANGÉLIQUE

AU RIRE PÂLE

AGONISE

SOUS LES NUAGES-LÉOPARDS


VIOLENCES VÉCUES

RÊVÉES

IMAGES-ANTENNES

ÉTOUFFÉES PAR L’ACIER BLEU

D’UNE ÉTOILE INNOCENTE





"LABYRINTHES" /
Chloé Alifax


Je suis une pauvre fille. C’est ce que je me suis dis quand maman a tiré. Je n’étais déjà plus à la maison au bout du monde, j’étais partie depuis cinq ans et je me suis dis ça : « Je suis une pauvre fille. » parce que j’ai pensé que tout cela n’aurait pas pu se produire si je n’avais pas déserté aussi vite la maison au bout du monde. Et j’ai aussi pensé que maman avait besoin de moi, qu’elle avait besoin de moi au moment où elle avait choisi de s’emparer du fusil, qu’elle avait sûrement vu mon visage dans sa tête, derrière ses yeux, qu’elle s’était murmurée « Chloé » et qu’elle avait pris le fusil dans le salon, qu’elle avait attrapé l’arme en se répétant : « Pourquoi, tu n’es pas là ? Pourquoi, tu n’es pas là ? » et le fusil chargé dans ses mains et le prénom « Chloé » qui tourne qui tourne, et la gâchette, le déclic du chien qui aboie. BANG ! Mais c’est faux. Je suis une pauvre fille et tout cela, toutes ces interrogations sont fausses. Maman n’a jamais eu besoin de moi, maman n’a pas pensé à moi à l’instant du chien qui aboie, elle n’a pensé qu’à prendre le fusil dans le salon, vite vite, à appuyer sur la gâchette, à écouter le chien, BANG !, puis à tuer, à tuer papa devant elle, à l’éliminer de sa vie comme elle l’avait décidé.

Mon frère m’a raconté au téléphone, le lendemain. Mon frère était encore dans la maison au bout du monde. Mon frère plus jeune qui m’a téléphoné pour me raconter. Il m’a dit que la cartouche du fusil s’était logée dans le mur de derrière papa, que maman était une piètre tireuse, et qu’heureusement, et que lui, mon frère, avait réussi à résonner maman, à la ceinturer lorsqu’elle avait voulu armer de nouveau le fusil, qu’il lui avait fait lâcher le fusil, que maman s’était mise à hurler, à pleurer si folle et à hurler de longues plaintes incompréhensibles, que papa était blême, identique à de la craie, au plâtre effrité du mur blessé, et qu’il avait balbutié, et qu’il avait déclaré en balbutiant : « Je m’en vais… je… c’est terminé, je m’en vais. ». Et mon frère : « OUI, FOUS L’CAMP ! VAS-Y ! VA T’EN, PAPA ! » et maman : « NON…NON, NON, NON ! » et « La dingue ! » de papa, et « cette femme est malade, complètement malade ! ». J’ai dit à mon frère : « Je vais venir. » mais il m’a répondu que ce n’était pas la peine, qu’il s’occupait de tout, que papa était parti, parti, qu’il était allé rejoindre l’autre femme, que maman était à peu près calme, non, qu’il n’y avait pas besoin de ma présence dans la maison au bout du monde. A cette époque, j’étais seule dans la ville aux multiples labyrinthes. Papa venait d’avouer à maman qu’il avait rencontré une autre femme, et maman s’était emparée du fusil dans le salon, et maman avait appuyé sur la gâchette pour que le chien aboie, que la mort fauche papa, qu’elle fasse ce que maman venait de décider. Mais maman n’a jamais su tuer, elle n’a jamais su tirer et papa avait balbutié « dingue ! », « malade ! » et il était allé retrouver l’autre femme, vite, si vite, fuyant les hurlements et les insultes dans son dos, blême comme de la craie, comme le plâtre du mur blessé. J’ai pensé alors : « Je suis une pauvre fille. » puis mon frère m’a rassuré : « Je te tiens au courant. Ne t’inquiète pas. Je te téléphone très bientôt. ».

Mon frère a quitté la maison au bout du monde, deux mois après. Cette scène s’est déroulée il y a un an. Je n’ai pas de fusil dans mon appartement. Je suis une pauvre fille. Je ne sais même plus quand mon histoire débute. Aujourd’hui ou il y a un an, lorsque maman a tiré dans le mur du salon et que papa est parti, qu’il a balbutié « dingue ! » puis qu’il est parti de la maison au bout du monde."

Chloé Alifax.

mardi 28 juillet 2009




Help aux ceux cours /David Feruch

Il y a des hommes froids au regard chèvre qui courent nus sur la rive .Des étreintes ensablées de château en Espagne, dévastées par les chastes pensées d’une princesse diable qui sous le regard de ses arbres assombris, voit le vent venir lui chatouiller les pieds ; elle jouit. Le ciel s’annonce. Éclairées, les victuailles du néant se transforment en nourriture terrestre .La possession des âmes se dé fragmente. Redistribution des bus à emporter les mots aux oubliettes, les têtes aux supprimés, les mets aux oubliés .....

La divagation des astres est un grand silence plein d’élan, de boiseries coloriées de fruits mûrs, de femmes fatales endolories par les muses qui leur dictent les « non - dit », avalés, ils se passent de commentaire. La terre urine de chastes pensées. Sur une douce rumeur, une vague c’est formée accompagnée de sa blanche écume. Sur une plage abandonnée, elle est venu s’échouer, finir sa course, dilatée avant de se retirer, de repartir au large se noyer dans les profondeurs, sensuelle, aveugle de lumière, fluide de sens, charmant, exquise, délicieuse…....

A la surface le ciel tombe. L’horizon noie son bouillon dans la marmite, l’air nourrit les corps endoloris. L’inspiration l’expiration je ne sais pas si c’est vraiment le souffle de la vie, je ne sais rien, je m’enfuis.....

David Feruch

lundi 27 juillet 2009




Attention au feu roug
e


Il avala les cachets comme on jette une lettre dans une boîte, il voulait voyager dans le temps. Son démon hurlait prêt à venir lui ronger les os. Lui qui n’avait qu’un avion en tête, cette fille qui était avec lui.....


Ils se sont croisés dans une soirée, ou, invisible, il avait vidé tous les gobelets sans doute parce qu’on lui avait parlé gobelin toute la soirée .Les fumeurs regroupés en mégots dans la cuisine lui échappaient, il visait la bouteille de vodka dans le freezer. Ses yeux verts, son regard insistant, plein de malice, de compassion, appuyé sur un sourire permanent. Capable comme celui d’une statue, de figer la pose jusqu'à ce que sourire soit la seule réponse. Je baissais la tête le premier, mes doigts jaunis par la fumée des sans-filtres tenaient une cigarette imaginaire. Je la fumais du regard, elle, tendait sa main vers moi pour m’emmener.....

.. ..

La vue du sang calma son humeur, rêves agités parsemés de « plus » identifiés comme « tel et tel qui croyais prendre. » Je ne me rappelais plus comment j’avais quitté la fête. Elle n’était plus là, le sang gisait sur ma chemise, une odeur de violence régnait dans cette ruelle éclairée de palmes de couleurs étranglées, de vert , de rouge , de bandes qui passent blanches, lignes qui vous défoncent la gueule jusqu’au sang.....

Elle ne m’avait pas quitté, je m’enfuyais toujours avant, de peur de la perdre, qu’elle me voit comme je me pense, pas grand-chose, dans un gabarit trop étriqué pour que l’odeur du sang ne m’inquiète. Je pensais aux brumes de Londres, à Jack l’éventreur. Mon champ de vision était restreint, mes yeux collés par la sueur sèche ne distinguaient que de vastes formes et la douceur de sa peau emplissait mon corps d’un frisson qui atténuait les courbatures de fatigue.....

L’élégance de son cou, la rondeur de ses omoplates, l’odeur de sa peau, ses lèvres posées sur ma joue ou sur ma main, sans intention autre qu’un contact, une succession de bonheurs silencieux, l’un pour l’autre, moi, le sale petit bonhomme, elle. Un chemin entre nos yeux ne lisait rien, le silence, une œuvre d’art rare que nous aimions cultiver comme un jardin. Ses mains enchevêtrées dans les miennes, comme collées par la glaise, ses ongles durs et ronds. J’aimais les sentir se refermer sur ma chair, me noyer dans son regard, idiot et heureux de l’être. Mes yeux ne parvenaient pas à s’ouvrir et ça sentait le sang.....

Mes mains se refermèrent, je ne priais rien et je ne voyais rien et je tombais à genoux et de mes yeux des larmes se mirent à couler et j’ai vu là devant moi apparaître comme une photo plongée dans le révélateur, ce chien crevé devant moi. Il s’était fait écraser par une voiture sortie d’un verre de soda, et moi j’avais essayé de le sauver et son maître sortie d’une flaque d’eau avait disparu noyé. Le chien était mort en homme libre dans mes bras et moi comme un con je me suis endormi sur cette bête endolorie par la mort.....

David Feruch